MOLINIER - INFOS
  ARCHIVES: TEXTES SUR MOLINIER
 

BÉNÉZECH, Michel & PETIT Pierre. "Rachilde et Molinier : cérébralité et génitalité sulfureuses chez deux Aquitains stigmatisés", in : Plaisir, souffrance et sublimation, Colloque "Arts, littérature et langage du corps, III", Bordeaux : Pleine Page éditeur, 2007, pp. 427-440 [Extraits]

[...] Étiqueté officiellement « déséquilibré mental », c’est-à-dire psychopathe, par deux aliénistes renommés, le peintre souffre effectivement d’un trouble de l’adaptation qui le fait se heurter chroniquement à la structure normative de la société et le rend incapable de se comporter comme la majorité des citoyens dans certaines circonstances de la vie. À cela s’ajoutent une difficulté au coït liée à une éjaculation précoce ainsi que des pratiques paraphiliques où prédominent auto-érotisme, analité, fétichisme, transvestisme par identification partielle au sexe féminin. Cette pathologie complexe de la personnalité, et la discrimination qu’elle entraîne par elle-même, se doublent chez Molinier d’une revendication vaniteuse de son originalité, d’un besoin de reconnaissance d’une existence et d’une œuvre iconographique hors normes. Pour prouver qu’il est marqué par les signes du destin, le peintre a volontairement falsifié son passé, procédant à une véritable recréation mythomaniaque de ses antécédents, fabriquant des fables plus ou moins choquantes pour se rendre intéressant et accréditer une histoire personnelle exceptionnelle. À travers sa mystification d’une fausse prédestination, Molinier s’est de lui-même auto-stigmatisé négativement, indignant le bourgeois en rajoutant le scandale inventé au scandale réel. [...]

Michel Bénézech

[...] Toutes les similitudes constatées entre les textes de Rachilde et les images de Molinier doivent-elles être interprétées comme des influences de l'une sur l'autre ? Si la réponse pourrait être raisonnablement considérée comme positive en ce qui concerne le tableau Comtesse Midralgar et la photographie de "L'enchaîné", il ne faudrait pas aller trop vite en besogne et affirmer la même chose pour les autres occurrences : ce réseau d'images textuelles, picturales et photographiques participe de la fantasmatique habituelle aux esprits déviants. La littérature décadente des années qui ont fait la charnière entre le XIXe et le XXe siècles, dont la production de Rachilde est si représentative, se nourrit sans cesse de ces fantasmes; mais ils appartiennent également au fonds commun des images que des artistes comme Molinier utiliseront quelques décennies plus tard et continuent toujours de manipuler dans le processus de création.

Il était inévitable que des sujets aussi sulfureux que ceux traités par Rachilde et Molinier dans leurs œuvres respectives conduisent à une condamnation sociale ou morale, sous forme de stigmatisation : ni l'un ni l'autre n'y auront échappé.

Pierre Petit

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