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BOURGEADE, Pierre. "Le corps, objet humain", in : Le corps, la structure. Sémiotique et mise en scène, Bordeaux : Pleine Page Editeur, 2004, pp. 97-103 [Extrait]

[...] Les arts de la représentation plastique ont été confrontés au même problème : la peinture a renoncé à figurer l'être humain. Le temps de l'Olympia de Manet et même celui du Nu descendant l'escalier sont désormais révolus. Dans ces années confuses qui marquent le début de la seconde moitié du XXe siècle, la peinture ayant renoncé, c'est le corps lui-même qui devient le moyen et le but de la peinture.

Il est émouvant d'évoquer cette évolution à Bordeaux, c'est-à-dire dans la ville où vécut et mourut Pierre Molinier, l'un des premiers artistes qui fit de son corps le but et le moyen de la représentation picturale et photographique. On ne sait plus très bien alors ce qu'est le corps. On ne sait plus si c'est le corps d'un homme ou celui d'une femme, si c'est le corps d'un être jeune ou plus âgé. A moins qu'il s'agisse d'un corps n'ayant jamais cessé de vivre dans une certaine naïveté, presque enfantine, et qu'on livre à ce qu'il est difficile de ne pas ressentir comme étant l'obscurité et l'horreur du sexe. Pierre Molinier a fait des photographies absolument terribles, s'enculant, comme il le disait lui-même, avec un godemiché fixé au talon d'une chaussure de femme, puisque souvent sous ses oripeaux d'homme il revêtait la panoplie de la femme, les bas noirs, la guêpière, la voilette, etc. Il a fait cette photo où il est à la renverse, écrasé sous un joug, essayant de se sucer la pine... Comment dire ? Quel mot employer ? Devant cette oeuvre rebelle, les mots manquent. C'est ce qui a fait la grandeur de cet homme solitaire dont l'art et l'influence sont maintenant reconnus dans le monde entier. Et je sais, Monsieur Devésa, à quel point vous êtes attaché à mettre en lumière cette nuit, ce soleil noir, pour reprendre l'expression des surréalistes.

Est-ce à partir de lui, est-ce autour de lui ? On voit alors, dans toute l'Europe, et d'abord à Paris, naître ces hommes et ces femmes qui, pour la première fois depuis que la peinture existe, utiliseront leur propre corps pour réaliser ce qui n'avait jamais été effectué jusqu'à eux : le corps est soumis à des exercices, à des tensions, à des défis, à des impossibilités, qui vont aux marges de sa destruction. [...]

Pierre Bourgeade

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