MOLINIER - INFOS
  ARCHIVES: TEXTES SUR MOLINIER
 
BOUYXOU, Jean-Pierre. "Un androgyne tonique/A tonic androgyny", in : Hommage à Pierre Molinier, Rouen : Sordide Sentimental, avril 2007, pp. 8-14, 5 ill.

[...] Nous étions chez lui depuis un bon moment, déjà, lorsque Molinier nous confia qu'il pratiquait également la photographie. Avec le sourire en coin d'un garnement préparant une blague, il ajouta, sans se départir de son inimitable accent agenais, qu'il était lui-même son modèle attitré. Et, ouvrant un album, il nous montra tout à trac les images de lui qui feraient plus tard sa célébrité mais que presque personne, à l'époque, n'avait vues. Satané choc ! Molinier nous expliqua comment il procédait pour donner corps à cette créature androgyne aux jambes multipliées, enjôleuse et vénéneuse, extatique et goguenarde, irradiante de lubricité ritualisée, d'une beauté à couper le souffle, qu'il ne se lassait pas d'incarner et de représenter. Là, c'était son cul empalé par un énorme godemiché. Ici, posé sur ses propres épaules, c'était le visage de sa poupée favorite. Et çà, c'était lui en train de se tailler une turlute, grâce à un joug qui, spécialement conçu à cet usage, lui maintenait la tête à portée de bite.

Tout en continuant de nous raconter ses séances prises de vue avec force détails, il avait disparu dans la minuscule cuisine qu'il transformait, certains jours, en salle de tirage. Toujours sans cesser de parler, il réapparut soudain. Stupeur. Nous avions devant nous la créature des photos. Mais encore plus fantastique, encore plus sulfureuse et encore plus troublante, puisque vraie. Molinier nous fit tout voir, tout humer, tout palper : la mentonnière qui dissimulait la vieillesse de ses traits, le loup de velours qui conférait à ses yeux une part de leur étrangeté, la guêpière qui enserrait sa taille comme celle d'une cocotte de la Belle Epoque, les chaussures à talon haut qui soulignaient le galbe de ses jambes et, même, les olisbos qu'il confectionnait avec des bas et dont il semblait faire grand usage dans la vie comme devant l'objectif. Et de préciser, en substance, qu'il aimait tellement les femmes qu'il eût voulu en être réellement une. "Je suis lesbien", disait-il avec un petit rire qui, je le jure, désamorçait le côté scabreux de la situation davantage qu'il ne le renforçait. J'eus intuitivement la certitude que ce pervers heureux était, à sa paradoxale manière, le plus simple, le plus sain et le meilleur des hommes. Rien n'a pu, depuis, me faire changer d'avis. [...]

[...] We had already been at his place for quite some time when Molinier confessed that he also practised photography. With the half smile of a young imp preparing a joke, he added, in his inimitable Agen accent, that he was his favourite model. And opening an album, all of a sudden he showed us the images that were to make him famous later but at the time, almost nobody had seen. It was quite a shock ! Molinier explained how he proceeded to give body to the androgynous creature now before our eyes, with multiple legs, cajoling, venomous, ecstatic, jeering, irradiating, ritualised lewdness and breath-stopping beauty, that he incarnated and represented without end. In one picture, his ass was impaled on an enormous dildo. In another, placed over his own shoulders, was the face of his favourite doll. In yet another, he was giving himself head, using a yoke he had specially designed for the job to keep his mouth within range of his cock.

As he continued to tell us about his photography sessions down to the smallest details, he disappeared in the tiny kitchen that he converted for use, on certain days, as a printing room. Still witout stopping talking, he suddenly reappeared. Stupor. We had in front of us the creature of the photographs. But it was even more fantastic, sulphurous, and disconcerting, since it was he in the flesh. Molinier showed us everything, allowed to taste and touch it all : the chin-piece which dissimulated the age of his features, the red velvet mask which gave his eyes some of their strangeness, the corset tightened around his waist like that of a tart in the Belle Epoque, the high-heeled shoes which underlined the contour of his legs, and even the dildos he made with stockings and which he seemed to use considerably in his everyday life as well as in front of the camera. And he stated, in substance, that he loved women so much that he wanted to be one. "I am a lesbian", he said with a little laugh, which, I swear, rid the situation of any indecency rather than causing any. I intuitively knew with certainty that this happy pervert was, in his paradoxical way, the simplest, healthiest, and best of men. Nothing since has made me change my mind. [...]

(English translation : Malcolm Duff, H.T.T.sa)

RETOUR  INDEX PAGE D'ACCUEIL