Unique et multipliée, toujours semblable et pourtant différente, image d'images, Barbie de papier, tu danses dans le regard des hommes, mais ton corps est creux comme la poupée docile du démon Coppélius.

Tu apparais dans la vitrine d'un grand magasin, brassée de mannequins, Shiva immobile. On solde. Tu es ce qui reste de la femme quand toutes les femmes s'en sont allées.

On t'aperçoit aussi derrière la glace sans tain d'un cabinet noir de Pigalle où s'attardent des clients sans visage. La courbe de ton sexe fait le tour de leurs yeux. Tu connais le manège, tu es payé pour ça, mais jamais tu ne t'abandonnes, sirène de pacotille n'attirant que des marins en cale sèche.

Au commencement était le Verbe. Ceux dont le regard se perd entre tes cuisses écartées n'ont que faire de ces mots échappés du sommeil d'un dieu absent. Que la roue tourne, qu'elle ne s'arrête jamais, ils ne désirent rien d'autre, car l'immobilité est fille de la Mort.

Tu es la ronde, la reine, l'oeil d'Eros, le nerf de la guerre. Tu détruis et du crées, tu engendres et tu chaties. Vénus accouplée à Mars, boule de suif, soleil de chair habillé de guipure, poupée Belmer, tu es tout cela à la fois, mais tu ne l'épuises pas.

Tu es la grande matrice du désir sans laquelle ce monde tiendrait sur une tête d'épingle.

Pascal Hérault

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