Echappée de Pierre Molinier à l'Océan

Sur le juin sonnant d'une année 70, j'avais assisté Pierre Molinier lors d'une opération chirurgicale pratiquée par le professeur Depaulis.

Michel Brunet et moi-même, entourant Pierre de notre amitié, lui avions proposé de venir se reposer à Lacanau-Océan, dans un chalet perdu au fond des bois, notre Eden élu. Et il avait accepté de suite.

Après les préparatifs requis, nous avons embarqué Pierre dans une DS noire étrangère aux cahots. Pierre était encore las et diaphane. Nous sommes arrivés vers le crépuscule à l'humble refuge de voliges et d'espoir de 5,50 m sur 3,50 m.

Un seul lit y trônait : Pierre s'y est installé pour ses nuits de convalescence. Nous dormions près de lui sur des matelas à même le plancher. Une pompe à eau extérieure permettait les soins d'hygiène et la vaisselle. Une lampe à pétrole éclairait nos soirées. Il n'y avait pas de téléphone. Une petite cheminée d'angle suffisait aux grillades de genêts secs, agrémentées de salades et de fruits. Un fanum de hauts pins bruissants servait de WC.

Au fil des soirs et des heures solaires, nous évoquions ensemble la peinture de Pierre. Dans la journée, à l'orée du chemin, sous un chêne-liège feuillu, attendait une voiture rouge décapotable pour nous mener aux bains d'océan. Nous roulions au pas, car les turbulences de l'air dérangeaient Pierre. Nous portions des chaises longues et un parasol pour l'obombrer, lui qui ne se baignait pas : à l'océan il préférait les collines du Lot-et-Garonne.

Un jour de notre retour au fond des bois nous a rejoints une jeune femme amie dont la jupe volante avait attisé les mains de Pierre. Ce fut un temps étrange et fantastique où nous avions visité les environs pendant une semaine. Pierre Chaveau nous rejoignait souvent ; Gavroche était aussi passé.

Un jour, nous étions allés tranquillement à pied jusqu'à l'étang du Cousseau, où se dressait une vétuste demeure en briques d'anciens résiniers. Ce jour-là, Pierre Chaveau fit un film-souvenir : un grand arbre s'inclinait au-dessus de l'étang ; nous l'avons escaladé nus pendant que Pierre Molinier méditait assis sur une murette. Les cigales avaient entonné leur hymne. L'insouciance, la Beauté et l'amitié nous enveloppaient. Aux côtés de Pierre Molinier nous respirions la plénitude de la fidélité et de la générosité.

Septembre 2010

Pierre Chaveau, Pierre Molinier, Francis Maugard et Michel Brunet sur la plage de Lacanau-Océan
Photo Août 1970 © Giselle Ducros

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